L'enfance photographiée
De l'enfance, la photographie a très tôt su capter ce qui en elle faisait écho. Benjamine des expressions artistiques en cette fin du 19ème siècle, l'image photographique, mécanique et triviale (Beaudelaire), a eu toute les peines à trouver sa place dans cette famille. Les tenants de l'esthétique pictorialiste ne manquèrent pas d'entourer le visage et le corps de l'enfant des artifices picturaux qui signent le genre. Au point que l'on parlera plus tard, pour cette photographie encore inconsciente de son réalisme, de maladie infantile.
De la nudité d'une pré-adolescente, Charles-Augustin Lhermitte proposa au début du 20ème siècle des images nimbées d'or. Naturisme innocent teinté d'édénisme, peut-être, mais de telles photographies, comme toutes celles représentant un enfant nu, seraient-elles possibles aujourd'hui sans provoquer le scandale ?
Quelques décennies plus tard, la photographie qualifiée d'humaniste saura mettre les enfants en situation pour en saisir les facéties du quotidien. Mais cette version heureuse ne saurait masquer le poids du politique et du social pesant sur cet âge. Enfant au travail plutôt que sur les bancs de l'école, idéologie révolutionnaire chez Rodtchenko, ou l'avènement de l'enfant nouveau doit logiquement précéder celui de l'homme nouveau. Mais aussi, sous le régime nazi, la doctrine raciste et mortifère qui voit dans l'enfant juif la morphologie d'un mal à éradiquer.
De l'enfance, transitoire par essence, la photographie aura su enregistrer la multiplicité des états, entre l'innocence et l'injustice, entre le jeu, le rire et la mélancolie.